Nous avons passé cette dernière journée cairote dans la chambre à écrire et à finir le montage de la galerie de portraits faite hier devant l'ambassade de France et à ajouter du son qu'un des marcheurs a eu la bonne idée de prendre au hasard des lieux : rue, manifestations, débats, chansons. Patrice y a déjà passé une partie de la nuit. Nous nous interrompons pour des aller retour au Net café du coin de la rue et faire une pause déjeuner vers 15 h.
Le marchand de falafel dispose d'un petit balcon au dessus de sa boutique. Sur des tables bancales et des sièges approximatifs, on assiste au spectacle de la rue depuis cette loggia à colonnettes, au-dessus des beignets d'aubergines, des frites et des radis noirs.
Sur le trottoir d'en face - enfin sur ce qui a été un jour un trottoir - le café voisin a installé ses chaises. Des hommes s'y arrêtent, commandent un café et une chicha. Le serveur s'agite, traverse et retraverse la rue, slalome entre les véhicules, piétons, charrettes ou voitures, apporte les cafés, les narguileh, hèle son assistant qui amène dans une grande louche les tisons à disposer sur le tabac parfumé. Un groupe de vieux messieurs en tenue traditionnelle, longue toge et cheich blanc, s'est installé autour d'une table ; à coté, derrière de vastes corbeilles tressées des femmes vendent nonchalamment des légumes appétissants ; Une petite charrette tirée par un âne s'arrête, son conducteur récupère auprès des vendeuses deux ou trois cagettes vides et les rajoute à son chargement déjà conséquent. C'est le recycleur de cagettes. Plus tard dans la journée, ce sont les éboueurs qui passent, tirant d'immenses sacs où ils récupèrent les ordures des quartiers riches, qu'ils trieront dans leur bidonville situé sous la Moqattam, la montagne résidentielle qui surplombe Le Caire.
Repus de beignets et d'aubergines confites, nous retournons au travail pour s'apercevoir que le montage vidéo contient un gros plan sur un des contacts égyptiens. Il faut absolument l'effacer et tout reprendre ! Ce n'est qu'à 16 h que nous filons au Net café pour expédier notre message avec un jour de retard.
De là nous rejoignons les amis au deuxième hôtel, où l'on nous fait un résumé de la réunion d'hier avec des représentants du mouvement social égyptien (où ce qu'il en reste, compte tenu de la répression ...)
Les Égyptiens présents ont d'abord regretté de ne pas avoir eu de contacts préalables avec les organisateurs de cette marche internationale qui n'ont répondu que très tardivement à leurs questions.
Ils sont néanmoins heureux de ce qu'ont pu faire les internationaux et nous félicitent d'avoir donner de la visibilité à la question palestinienne et au cas particulier que pose la bande Gaza à l'Égypte. La construction du deuxième mur au sud de la Bande de Gaza par exemple est une découverte pour eux sur laquelle le gouvernement Égyptien se garde de communiquer !
Ils souhaitent à présent qu'une meilleure coordination se mette en place et espèrent travailler avec les organisateurs de la Marche à de futures mobilisations. Une nouvelle réunion est programmée pour le lendemain même heure même endroit, c'est a dire aujourd'hui. Nous y allons.
La réunion se tient au 5eme étage d'un immeuble bien caché derrière les étalages de fruits et légumes ; Il faut demander sa route à l'entrée tellement le lieu est improbable. Le bureau/salle de réunion est grand ouvert sur la cage d'escalier monumentale du vieil immeuble ; Deux rangées de banquettes défoncées aux velours râpés se font face et les responsables associatifs discutent autour d'un bureau. Les traductions se font en différé : arabe-anglais puis anglais-arabe, avec quelques demandes de précision en français, ce qui ralentit beaucoup les discussions. L'ordre des prises de parole est strictement respecté, les femmes s'expriment autant que les hommes. Difficile pour nous de comprendre quelque chose aussi nous quittons les lieux pour aller se restaurer;
En empruntant la rue Talaa Harb, on tombe en arrêt devant les célèbres cinémas égyptiens des années 50 : des quasi monuments historiques ! Nous ne résistons pas à la curiosité et prenons un billet pour la séance de 22h. On pénètre dans une architecture art déco, accompagnés par des ouvreuses souriantes sous leurs foulards pailletés ; Elles nous conduisent au café shop pour patienter et faire consommer le client : cappuccino, coca, pepsi,... de grands escaliers mènent au balcon qui se cache derrière de lourds rideaux de velours défraîchis. La salle est gigantesque, comme on ne l'imagine plus en Europe ; un large plafond voûté semé d'immenses rosaces de plâtre où ont du pendre des lustres aujourd'hui disparus, des sièges qui semblent sortis de l'écran en noir et blanc, et s'étalent à perte de vue à l'orchestre, de petits balcons privés comme dans un théâtre à l'italienne. Un calcul approximatif nous fait évaluer la capacité de la salle à 1200 places ! Une musique occidentale sirupeuse accueille les spectateurs qu'un ouvreur débonnaire essaye bon gré mal gré de placer. Il y a là des jeunes couples, parfois avec poussette et enfants, Saïd et Saïdate très digne sous le voile, des groupes de jeunes un peu plus agités, ... La séance tarde à démarrer ; Nous étions là surtout pour le spectacle de la salle, aussi nous laissons le film mélo-romantique prévu, pour aller faire nos sacs.
Départ demain aux aurores : lever 4h pour être à l'aéroport à 5h ; décollage à 7h.