Du 27 décembre 2009 au 3 janvier 2009, Ali-Patrick Louahala et Patrice Forget participeront à la Marche internationale pour la paix à Gaza organisée par différentes associations de soutien au peuple palestinien.
Ils feront partie d'un groupe de la Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien (CCIPPP).
Durant leur séjour, ils essaieront de témoigner quotidiennement de ce voyage particulier en photos, textes et vidéos que nous mettrons en ligne sur ce blog.
Dans le brouillard du jour qui se lève, autour d'un thé des boutiques aseptisées de l’aéroport du Caire, nous repassons les images et photos montages réalisés, pour les nouveaux amis rencontrés ces derniers jours et qui partent eux aussi. A une table voisine, une femme à l'allure soignée, belle natte tressée et maquillage ton sur ton de sa tenue de voyage, nous interroge « Vous étiez à l'ambassade de France ? » Cela devient un signe de ralliement ! La conversation s'engage sur l'écho médiatique de cet événement et sur l’intérêt suscité par cette marche arrêtée au Caire sur un trottoir d'ambassade. La dame travaille pour les Nations Unies, elle est américaine et nous confirme : "Nous produisons régulièrement des rapports sur la situation en Palestine et à Gaza, sur les violations du droit international et des accords internationaux, c'est la mission confiée aux Nations Unies. Nous informons sur l'état sanitaire et les besoins de la population dans la bande de Gaza. Tous les Etats sont au courant par l'intermédiaire de leur représentant à l'ONU, tous les gouvernements savent ce qui est en train de se passer, et je n'hésite plus - dit-elle - à prononcer le mot, génocide, pour ce qui est en cours, mais voilà personne ne bouge ... J'ai des amis journalistes qui seraient intéressés par vos images, puis-je leur transmettre vos coordonnées ?" Et comment, Clément ! Echange de mails, de sites, l'audience s'élargit encore.
Plus tard dans l'avion, nos images servent à nouveau de prétexte pour entrer en contact avec nos voisins. Un couple de marocains bien mis, venus faire du tourisme en Egypte et qui réagissent à la vue des images sur l'ordinateur : " C'est vous qui étiez à l'ambassade ? " Et c'est reparti, la dame se demandait comment rejoindre cette manifestation, et soutenir à sa manière cette initiative, ils nous félicitent d'avoir fait ce que la population égyptienne ne pouvait pas faire et regrettent l'attitude des pays arabes. Monsieur nous explique que si les Marocains apprennent qu'il y a des internationaux dans l'avion, ils viendraient nous accueillir en héros à l’aéroport de Casablanca. On se calme, on se calme!
Retenons que cette Marche immobile a peut être réveillé des consciences et fait naître des espoirs.
Qu'elle soit une graine pour que pousse le respect des droits de l'homme et du droit international.
Ali-Patrick et Patrice
____________________________________________________________ Ne ratez pas la vidéo réalisée la semaine dernière devant l'Ambassade de France au Caire :
Nous avons passé cette dernière journée cairote dans la chambre à écrire et à finir le montage de la galerie de portraits faite hier devant l'ambassade de France et à ajouter du son qu'un des marcheurs a eu la bonne idée de prendre au hasard des lieux : rue, manifestations, débats, chansons. Patrice y a déjà passé une partie de la nuit. Nous nous interrompons pour des aller retour au Net café du coin de la rue et faire une pause déjeuner vers 15 h.
Le marchand de falafel dispose d'un petit balcon au dessus de sa boutique. Sur des tables bancales et des sièges approximatifs, on assiste au spectacle de la rue depuis cette loggia à colonnettes, au-dessus des beignets d'aubergines, des frites et des radis noirs.
Sur le trottoir d'en face - enfin sur ce qui a été un jour un trottoir - le café voisin a installé ses chaises. Des hommes s'y arrêtent, commandent un café et une chicha. Le serveur s'agite, traverse et retraverse la rue, slalome entre les véhicules, piétons, charrettes ou voitures, apporte les cafés, les narguileh, hèle son assistant qui amène dans une grande louche les tisons à disposer sur le tabac parfumé. Un groupe de vieux messieurs en tenue traditionnelle, longue toge et cheich blanc, s'est installé autour d'une table ; à coté, derrière de vastes corbeilles tressées des femmes vendent nonchalamment des légumes appétissants ; Une petite charrette tirée par un âne s'arrête, son conducteur récupère auprès des vendeuses deux ou trois cagettes vides et les rajoute à son chargement déjà conséquent. C'est le recycleur de cagettes. Plus tard dans la journée, ce sont les éboueurs qui passent, tirant d'immenses sacs où ils récupèrent les ordures des quartiers riches, qu'ils trieront dans leur bidonville situé sous la Moqattam, la montagne résidentielle qui surplombe Le Caire.
Repus de beignets et d'aubergines confites, nous retournons au travail pour s'apercevoir que le montage vidéo contient un gros plan sur un des contacts égyptiens. Il faut absolument l'effacer et tout reprendre ! Ce n'est qu'à 16 h que nous filons au Net café pour expédier notre message avec un jour de retard.
De là nous rejoignons les amis au deuxième hôtel, où l'on nous fait un résumé de la réunion d'hier avec des représentants du mouvement social égyptien (où ce qu'il en reste, compte tenu de la répression ...)
Les Égyptiens présents ont d'abord regretté de ne pas avoir eu de contacts préalables avec les organisateurs de cette marche internationale qui n'ont répondu que très tardivement à leurs questions.
Ils sont néanmoins heureux de ce qu'ont pu faire les internationaux et nous félicitent d'avoir donner de la visibilité à la question palestinienne et au cas particulier que pose la bande Gaza à l'Égypte. La construction du deuxième mur au sud de la Bande de Gaza par exemple est une découverte pour eux sur laquelle le gouvernement Égyptien se garde de communiquer !
Ils souhaitent à présent qu'une meilleure coordination se mette en place et espèrent travailler avec les organisateurs de la Marche à de futures mobilisations. Une nouvelle réunion est programmée pour le lendemain même heure même endroit, c'est a dire aujourd'hui. Nous y allons.
La réunion se tient au 5eme étage d'un immeuble bien caché derrière les étalages de fruits et légumes ; Il faut demander sa route à l'entrée tellement le lieu est improbable. Le bureau/salle de réunion est grand ouvert sur la cage d'escalier monumentale du vieil immeuble ; Deux rangées de banquettes défoncées aux velours râpés se font face et les responsables associatifs discutent autour d'un bureau. Les traductions se font en différé : arabe-anglais puis anglais-arabe, avec quelques demandes de précision en français, ce qui ralentit beaucoup les discussions. L'ordre des prises de parole est strictement respecté, les femmes s'expriment autant que les hommes. Difficile pour nous de comprendre quelque chose aussi nous quittons les lieux pour aller se restaurer;
En empruntant la rue Talaa Harb, on tombe en arrêt devant les célèbres cinémas égyptiens des années 50 : des quasi monuments historiques ! Nous ne résistons pas à la curiosité et prenons un billet pour la séance de 22h. On pénètre dans une architecture art déco, accompagnés par des ouvreuses souriantes sous leurs foulards pailletés ; Elles nous conduisent au café shop pour patienter et faire consommer le client : cappuccino, coca, pepsi,... de grands escaliers mènent au balcon qui se cache derrière de lourds rideaux de velours défraîchis. La salle est gigantesque, comme on ne l'imagine plus en Europe ; un large plafond voûté semé d'immenses rosaces de plâtre où ont du pendre des lustres aujourd'hui disparus, des sièges qui semblent sortis de l'écran en noir et blanc, et s'étalent à perte de vue à l'orchestre, de petits balcons privés comme dans un théâtre à l'italienne. Un calcul approximatif nous fait évaluer la capacité de la salle à 1200 places ! Une musique occidentale sirupeuse accueille les spectateurs qu'un ouvreur débonnaire essaye bon gré mal gré de placer. Il y a là des jeunes couples, parfois avec poussette et enfants, Saïd et Saïdate très digne sous le voile, des groupes de jeunes un peu plus agités, ... La séance tarde à démarrer ; Nous étions là surtout pour le spectacle de la salle, aussi nous laissons le film mélo-romantique prévu, pour aller faire nos sacs.
Départ demain aux aurores : lever 4h pour être à l'aéroport à 5h ; décollage à 7h.
Grasse matinée jusqu’à 9h pour le premier jour de l’année ! Pas de programme précis, aussi au petit déjeuner nous décidons d’accompagner quelques copains à l’ambassade de France, histoire de humer l’ambiance de ce qui est devenu au Caire le symbole de la marche internationale arrêtée, et une véritable attraction ;
L’ambassade est justement placée en face du zoo, le long de la large avenue du Nil. Une longue file de camions militaires stationne côté zoo, tandis qu’à l’opposé, un cordon de CRS égyptiens fait face à l’ambassade. Debout sur la chaussée, ils semblent des robocops de petite taille avec les visières de nuque rabattues et leurs grosses chaussures de cuir montantes ; en s’approchant, on découvre sous les casques des visages de grands adolescents, attentifs au moindre mouvement du supérieur qui passe régulièrement pour faire réaligner le rang. Ces malheureux restent là pendant des heures en attendant la relève, plusieurs malaises ont eu lieu nous dit-on et les enfermés volontaires ont négocié avec les services de sécurité qu’ils puissent avoir des bancs pour s’asseoir pendant la nuit.
On pénètre ou on sort de cette enceinte bien gardée par une des extrémités du trottoir. Sur 150 mètres, le trottoir est occupé par des tentes, des sacs à dos, des valises et des cartons pas encore repliés de la nuit. Le mur est couvert de panneaux et de banderoles soutenant la Palestine, appelant à la marche internationale ou réclamant les bus pour aller à Gaza. Le milieu du trottoir est un promenoir où les derniers éveillés se dégourdissent les jambes, où l’on commence une conversation à 2 pour la finir à 5. Une petite vie s’est organisée entre les besoins quotidiens (manger, boire, dormir, et le reste …) et l’activisme militant. Certains balayent le trottoir, d’autres vont chercher les repas au restaurant voisin, une revue de presse avec sa traduction est affichée, des réunions quotidiennes ont lieu à heure fixe.
Nous continuons notre galerie de portraits avec ruban adhésif. Nous retrouvons Monseigneur Gaillot qui dort là depuis le début, je fais quelques pas avec cet homme courageux qui se souvient de l’Ardèche et de la mobilisation pour Khedher. Nous nous asseyons un moment pour parler car il n’a pas l’air en forme.
Sans que l’on s’en soit aperçu, le trottoir s’est vidé, et quand nous voulons partir, il est impossible de sortir ; la raison est vite connue : les internationaux ont organisé une manifestation devant l’ambassade d’Israël à quelques pas d’ici. Nous n’avons pas été prévenu et il faut maintenant attendre que cela soit terminé pour sortir.
Deux heures plus tard, au retour des manifestants, nous avons un compte rendu en direct : 5 à 600 personnes, essentiellement des internationaux mais avec quelques égyptiens, ont réussi à s’approcher de l’ambassade et à manifester pacifiquement contre le blocus, les violations du droit international par Israël, et en soutien aux palestiniens.
Sitôt le blocus du trottoir de l’ambassade levé, nous rentrons et sur le chemin nous faisons quelques emplettes dont une commande spéciale de boite de « Vache qui rit » en arabe. Le jeune commerçant qui nous sert comprenant que nous sommes français se hasarde à nous parler de Gaza ; il nous fait comprendre dans un anglais difficile qu’il est palestinien et nous sort de son tiroir caisse son passeport de réfugié (écrit en partie en français, s’il vous plaît …) ! Ses parents ont été contraints de quitter Jaffa après 1948, puis El Kods (Jérusalem) pour se réfugier en Egypte où sa mère est arrivée enceinte de celui qui nous parle. Sa famille est aujourd’hui dispersée entre l’Egypte, la Jordanie et l’Amérique. Abasourdis par notre rencontre fortuite et par ce résumé de la vraie grande Histoire, nous quittons la boutique en lui demandant de signer la boite de « vache qui rit » et en le remerciant de sa confiance.
Sur la terrasse de l’hôtel ; au bout de l’ascenseur, les discussions se font en petits groupes. Les coordonnateurs se coordonnent, les militants s’informent, les gosiers s’assèchent, les langues claquent, les policiers en civil fument, les marcheurs piétinent.
L’exercice quotidien d’écriture essaye de se loger dans le peu d’espace libre laissé par les interpellations et les questions : « vous étiez au musée ? », « T’as vu la banderole de l’Afrique du sud ? » « Bien le parallèle avec l’apartheid ! », « Il paraît que les bus de Moubarak sont arrivés à Gaza,. », « Les éclaireurs ont été bloqués à port Saïd, t’es au courant ? » …
On apprend aussi qu’une des fondatrices de l’association France Palestine Solidarité (AFPS) est décédée d’une crise cardiaque au Caire, elle participait à la marche internationale et avait près de 80 ans.
Nous travaillons seuls finalement sur le projet de montage pour les TV, les motivations ne sont pas bien fortes et les discussions prennent trop de temps. L’idée d’un kaléidoscope émise hier sera concrétisée par une centaine de portraits montrant la diversité et la détermination des marcheurs, des visages bâillonnés à l’image de la ville oubliée, un ruban de scotch nommé Gaza dont on ne peut se débarrasser.
Dès la première photo faite sur la terrasse de l’hôtel, le patron intervient et arrête la séance. Nous n’avons eu que le temps de tester le dispositif : un ruban en français, l’autre en arabe que la personne choisit et mets près de son visage ; clic, c’est dans la boite. Nous reprendrons la séance photos ce soir au restaurant.
Dans l’intervalle, on s’occupe à la saisie des textes et à la messagerie Internet et à l’envoi de fichiers. A quelques milliers de kilomètres, François fait un super boulot de mise en ligne. Merci à lui.
Au point Internet de l’hôtel, une américaine de San Francisco, nous relate dans un bon français avec un fort accent, sa journée de manifestation ; Quand nous lui montrons les images des manifs montées, la voilà aux anges : « oouaah ! greeeeat ! greeeaaat ! genioouusss ! I have plusieurs milliers amis Facebook, je envoyer pour eux ! ». échanges d’adresse de blogs et voilà que l’audience s’élargit.
Vers 21h, nous nous allons au restaurant d’un grand hôtel où une grande salle nous est réservée, 12ème étage, vue sur la ville, bien à l’écart pour ne pas être vus et entendus ! Un policier en civil est posté à l’entrée …
Comme toujours à 60 personnes, et plus encore quand on ne parle pas la langue, la prise de commandes est laborieuse et le service décousu. C’est le moment idéal pour tirer le portrait des présents avec un bout de scotch.
Au milieu du repas, une liaison téléphonique amplifiée est établie avec le directeur exécutif (le n°2 …) du Palestinian Center for Human Rights (PCHR). Yazid fait la traduction en direct. Le policier de l’entrée est très fâché et tente de faire cesser la conversation. Les organisateurs le renvoient poliment à sa mission «d’assurer notre sécurité » que ses supérieurs lui ont confiée, le téléphone ne risque pas d’exploser …
Le direct de Gaza se poursuit, alors qu’on nous amène précipitamment les additions contrairement à l’hospitalité égyptienne habituelle. Nous laissons cela de côté pour écouter ce que dit notre interlocuteur à Gaza :
Tout était prêt pour nous accueillir et il regrette beaucoup les difficultés que nous rencontrons, qui sont le fait de gouvernements complices de la punition collective infligée aux Gazaouis ;
Gaza est sous blocus économique depuis 3 ans et la population, vieillards et enfants en particulier, survit péniblement grâce à l’aide humanitaire pour autant qu’Israël la laisse passer ;
L’offensive israélienne de l’année dernière a fait d’énormes dégâts qui ne peuvent être réparés malgré les aides de la communauté internationale, bloquées aux portes de la bande de Gaza par Israël.
Malgré tout cela, les Palestiniens ne perdent pas espoir de retourner chez eux un jour et espèrent que des gens comme nous feront pression sur leur propres gouvernements et sur les institutions internationales, notamment l’union européenne pour que soient reconnus les droits du peuple palestinien et que soit condamner l’État d’Israël ;
Le rapport Goldstone des Nations Unies a montré clairement la responsabilité d’Israël, dans la violation du droit international et dans les massacres des population civiles l’an dernier. Ce rapport propose qu’Israël soit traduit devant la cour pénale internationale pour crime de guerre et même crime contre l’humanité.
Le PCHR met beaucoup d’espoir dans la Communauté internationale et notamment l’union européenne, pour que cette condamnation aboutisse ; il compte aussi beaucoup sure le soutien populaire en Europe et dans le monde pour que ce jugement puisse avoir lieu.
La liaison se termine dans les applaudissements et les salutations à pleine voix, y compris des serveurs qui sont restés là à écouter ce direct inouï pour eux.
Quelques interventions ont lieu après cette liaison chaleureuse : il faut remettre des sous dans la caisse commune ; les réservations d’hôtel à El Arish avancées par nos correspondants sur place doivent être payées ; une esquisse de bilan de cette presque semaine de mobilisation est faite : nous avons été un peu naïfs quant à la volonté de négociation du pouvoir égyptien ; il aurait fallu anticiper et prévoir une alternative à l’impossibilité de sortir du Caire, c’est une leçon pour la prochaine fois car nous reviendrons ! …
Les douze coups de minuits ponctuent ces prises de paroles incantatoires aux lendemains qui chantent, et tout le monde s’embrasse en souhaitant d’abord aux Gazaouis une bonne et heureuse année.
Sur la terrasse de l’hôtel qui surplombe la ville bruyante, Yazid discute avec un responsable palestinien, et la jeune avocate des droits de l’homme adresse ces vœux au professeur Goldstone, auteur du fameux rapport, soumis de puis des mois à une effroyable pression du lobby sioniste.
La discussion d’hier après midi a pris fin sur injonction du patron de l’hôtel, qui craignait que ce rassemblement de 40 personnes n’attire des ennuis à son établissement. La discussion s’est poursuivie en petits groupes pour proposer des formes d’actions collectives, marquantes et sensées.
Il faut se rendre à l’évidence : la marche est arrêtée, les internationaux divisés, l’expression impossible et … Gaza inaccessible. Peut être avions nous rêvé ? Il ne s'est rien passé il y a un an ; les bombardements n’ont jamais eu lieu, la ville est effacée de la carte et des mémoires, ce bout de territoire est ensevelie sous les décombres …
Nous proposons d’illustrer la situation en nous bâillonnant la bouche avec du scotch d’emballage sur lequel seraient inscrits les slogans : FREE GAZA, SILENCE GAZA MEURT, REMEMBER GAZA, … L’idée plaît.
Aussitôt dit aussitôt dans la rue à la recherche des scotchs larges : le stock de la boutique d’accessoires scolaires y passe !
Retour à notre hôtel pour résumer la journée et dévorer une dorade chez le poissonnier voisin. Un SMS nous convie à 8h30 le lendemain pour une réunion. Il est question d’un rassemblement unitaire de toutes les organisations pour le lendemain le 31 décembre, jour de la marche internationale initialement prévue à Gaza. Les américains de Code Pink sont à la manœuvre et nous en saurons plus demain.
Patrice se couche très tard pour faire le montage des images du bus du matin et envoyer notre message quotidien.
Pour le dernier jour de l’année, nous nous levons tôt et retrouvons les membres de notre groupe au deuxième hôtel. Les nouvelles de la nuit sont confuses : la coordination serait faite à 400 personnes et aurait été limitée à la proposition des américains sans discussion possible : convergence par petits groupes vers le musée égyptien et rassemblement devant le musée à 10h 30.
La signification et le symbole sont évidemment contestables. Aucun mot d’ordre précis, aucun objectif rappelé, dans ces conditions beaucoup hésitent à y aller pour ne pas se trouver entraînés dans des initiatives ou derrière des slogans qu’ils ne partagent pas. D’autres, impatients d’agir depuis une semaine d’attente, souhaitent être présents par solidarité . Au final chacun est laissé libre de participer ou non à ces initiatives, avec toutes les recommandations de prudence.
Le fait qu’aucune organisation sociale égyptienne ne soutiennent ces rassemblement n’incite pas à se mobiliser. Si agir avec la frustration comme motivation est compréhensible, ça n’est pas suffisant, un minimum de sens est nécessaire.
Dans cette situation complexe, une information positive nous revient : l’ambassade de France a fait savoir que la clarté de notre stratégie devrait nous permettre d’effectuer des missions échelonnées sur l’année. C’est bien le sens de notre présence ici au delà du triste anniversaire, et de l’opportunité de communication qu’il suscite, il s’agit bien de construire dans la durée, d’agir de façon plus régulière et sans doute moins visible.
Vers 10h ceux qui le veulent se dirigent vers le musée en solo ou par deux ou trois. En chemin, un premier attroupement fait bouchon sur une avenue convergeant vers la place du musée, entre deux compagnies aériennes. Un groupe d’une dizaine de personnes a déployé une banderole rose sur laquelle on peut lire « WOMENS SAYS FREEDOM FOR GAZA ». Nous restons un moment sur le trottoir d’en face car le groupe est ceinturé de policiers qui masquent les manifestants et leurs panneaux. Des policiers en civil font repartir les badauds qui s’attardent et nous demandent de ne pas rester là.
Nous poursuivons vers le musée et la place Tahrir où la grande avenue longeant le musée est fermée à la circulation. La pagaille habituelle des véhicules monte d’un cran, les quelques taxis qui se faufilent entre les agents de la circulation (très nombreux) sont obligés de faire marche arrière. En longeant l’avenue à pied, nous nous heurtons à un barrage policier, il faut patienter. Un peu plus loin un cordon serré de policiers en uniforme contient un groupe de manifestants dont on aperçoit les drapeaux palestiniens au dessus des têtes. Une banderole est hissée dans un arbre. Impossible de s’approcher.
Nous faisons le tour du pâté d’immeubles et arrivons par une rue arrière sur des CRS locaux, casqués et bottés qui repoussent les manifestants sur le trottoir au ras de la rue et des véhicules roulant au pas. Le dispositif policier est impressionnant notamment par le nombre de civils que l’on repère assez bien et qui font circuler les passants. Ils arrivent par petits paquets dans des pick up couverts bleus. Nous sautons dans un taxi pour faire des photos plus discrètement puis nous essayons de passer l’enceinte du musée. Dès l’extérieur un faux taxi nous dissuade d’aller au musée à cette heure et nous propose de faire un tour de ville … Grosse ficelle ! Contrairement à hier les sacs sont fouillés à l’entrée et mes rouleaux de scotch sont évidemment suspects. Patrice lui s’emmêle les crayons entre deux nationalités, aussi nous sommes vite et fermement reconduit vers la sortie.
Ça suffit pour la matinée et la chasse aux images. Nous rentrons.
Dans l’après midi les SMS tournent : rendez vous à 17 h pour un projet vidéo pour les TV ; les deux bus d’hier sont finalement partis avec des volontaires et non des représentants, porteurs de leurs propres messages et non de la solidarité internationale bloquée au Caire.
La journée d’hier s’est terminée par un repas collectif dans un restaurant du centre, sur une avenue grouillante de monde. Un genre de fast food à l’ambiance lisse de cafétéria de supermarché qui ne sacrifiait rien au bruit de la rue encombrée de véhicules et de klaxons. Difficile de se parler dans cette caisse de résonance truffée de policiers.
Parmi les solutions envisagées, la tentative de forcer le passage est la mieux partagée. Notre organisation explore cette hypothèse et tente de mettre sur pied une alternative pour se rendre à El Arish : taxi, mini bus, lignes régulières, …
Avant de rentrer se coucher, nous nous arrêtons au Net café voisin de l’hôtel pour notre envoi quotidien ; il y a là un des marcheurs qui en alimentant son blog a découvert une interview d’un ministre égyptien qui déclare sur Al Djazeera que l’Egypte fera un geste envers les humanitaires en laissant passer deux bus vers Gaza, le reste des internationaux est invité à profiter des plages ou des monuments historiques égyptiens … L’info fait vite le tour de ceux qui ne sont pas encore couchés et sème le doute : faut il y croire ? est ce un début d’ouverture ? que sous entendent ces propos ?
Il est une heure du matin quand nous éteignons les lumières, perclus de questions.
Le sommeil est difficile à trouver. Dehors des chats se battent, et les klaxons résonnent encore dans la nuit du Caire.
Vers 3h du matin le téléphone de Patrice sonne puis celui de la chambre retentit. C’est Florent qui informe laconiquement qu’un bus doit partir vers 7h pour Gaza suite à une négociation aboutie dans la nuit ; une seule personne de notre organisation pourra monter à bord ; il faut donc rassembler rapidement dans sa chambre les médicaments et les vivres que chacun à amener, afin qu’il puisse les porter à celui qui partira.
J’enfile rapidement un pantalon et une veste et descend 4 étages plus bas en prenant soin de ne pas faire de bruit. D’autres n’ont pas ce genre de précautions, les couloirs de l’hôtel chuchotent, les portes couinent ou grincent, l’ascenseur marque de sa sonnerie tous ses arrêts dans les étages.
La chambre de Florent s’est transformée en pharmacie. Il faut trouver un sac où regrouper les dons éparpillés dans une dizaine de sacs plastiques ; en accord avec Patrice, je sacrifie mon sac à dos (qui avait fait le GR 20 corse …) et nous décidons de nous rendre au départ des bus pour faire des images.
A 6h 30 ce qu’il reste de la nuit s’accroche en lambeaux gris au brouillard du petit matin, quand nous partons à pied pour la gare routière, en traversant l’île Gézira sur le Nil. A cette heure le grand pont du 6 octobre est presque vide : les véhicules ne sont plus au pas comme en pleine journée, mais roulent à pleine allure dans un joyeux tintamarre de tôles pour les plus âgés.
Il nous faut tourner longtemps dans la gare routière pour trouver les bus, encadrés par la police. Sur le large trottoir, c’est à la fois l’espoir et la contestation qui prévalent. Quand nous arrivons, une centaine de personnes sont là, avec caméras et appareils photos ; les partants ont déjà rempli le premier bus. Il semble que le deuxième bus ait des difficultés à se remplir.
Des pancartes sur du carton se sont improvisées : « GET OUT OF THE BUSES », « LET US ALL GO » « 1300 PERSONS OR NO ONE ». Ça discute fermement devant le cordon de sécurité qui donne accès au portes du bus. Une américaine égrène le nom de ceux qui ont été choisi par leur délégation. Les conditions de la négociation autour de ces bus de dernière minute reste mystérieuse et nous éclairerait pourtant bien sur la position à tenir.
Faut il se réjouir de voir ces deux bus partir ou regretter qu’il n’y en ai pas plus sur le départ ?
Un escadron de militaires casqué et équipé de boucliers se met en place à l’arrière des bus. Il est temps de partir, d’autant que peu d’entre nous ont pu dormir et que nous sommes tous partis le ventre vide. Un deuxième escadron se met en place à l’avant des bus. Nous ne sommes pas là pour jouer aux gendarmes et aux voleurs avec la police égyptienne.
Retour à l’hôtel pour un petit déjeuner et tenter de rattraper le sommeil. Les flics sont partout, un des marcheurs qui souhaitait rentrer en France doit montrer son billet d’avion pour pouvoir sortir de l’hôtel ! 3 personnes qui partent sont aussitôt pistées par les policiers qui interrogent serveurs et réceptionniste sur leur numéros de chambre.
Pour nous rendre à la réunion collective convoquée à midi sur la terrasse restaurant de l’autre hôtel nous sortons légers un guide touristique à la main pour faire diversion et passons deux rues pour prendre un taxi.
Avec de la hauteur et un peu de sommeil, les choses s’éclaircissent. Nous apprenons que les bus ne sont finalement pas partis. Yazid, notre délégué monté dans le bus est là et explique la manipulation dont ont été victimes les négociateurs eux même.
Code Pink l’organisation américaine qui agissait seule, avait réussi semble t il à négocier 2 bus pour aller à Gaza. Cette organisation a alors demandé en début de soirée aux autres organisations de désigner sous 20 minutes de désigner une ou deux personnes pour faire partie du convoi.
Bien que la méthode ne soit pas satisfaisante le collectif français d’associations a accepté la proposition après avoir bouclé l’information avec les contacts sur place à Gaza (PCHR) et avec l’ambassade de France (qui n’était pas au courant). Yazid a été désigné comme délégué. Dans la nuit, les référents des groupes de marcheurs ont été alertés pour rassembler les dons.
Au départ du bus, alors que les délégués avaient pris place, une américaine a pris la parole dans le bus en disant avoir fait une erreur en acceptant ce deal proposé par Moubarak, suivie d’un officiel égyptien qui a félicité les heureux délégués et parlé en termes insultants envers les contestataires à l’extérieur du bus ; 10 minutes plus tard le même officiel explique que les palestiniens ne souhaitent pas la venue des internationaux à Gaza, et tente une démonstration en branchant son téléphone sur le micro du bus alors que Yazid vient d’avoir son correspondant à Gaza. Devant cette mascarade, les délégués se sont tous levés pour quitter le bus pendant qu’à l’extérieur les escadrons de policiers prenaient place autour des véhicules signifiant clairement que la partie était finie. Entre temps les communiqués officiels avaient fait le tour des agences de presse, et l’on pourra lire dans les journaux du jour même : l’Egypte fait un geste pour Gaza.(voir ci-dessous nouvel observateur du 30 décembre : )
Mais rien sur la construction du mur souterrain sur la frontière sud de Gaza, plus grand chantier égyptien depuis les années Nasser en 1960 !
Au cours de cette réunion, Florent nous a confirmé que les éclaireurs envoyés soit en solo par des itinéraires détournés, soit en bus régulier, soit en taxi se sont fait refoulés à des étapes plus ou moins avancées de leur voyage pour El Arish sans jamais atteindre leur but. Il est donc hors de question d’organiser de telles expéditions.
Un large débat a suivi ces informations où la nécessité de rassembler le millier de personnes éparpillés dans la ville et de rendre visible leur détermination aux yeux de la presse internationale s’est fortement exprimé.
La marche internationale pour la liberté à Gaza se passera le 31 décembre au Caire.
Vu dans la presse française… Le Caire autorise cent manifestants à marcher vers Gaza
NOUVELOBS.COM | 30.12.2009 | 07:38
Les organisateurs de la marche vers Gaza ont accepté l'offre du Caire de permettre à 100 des 1.400 manifestants bloqués de se diriger vers Gaza. Les militants qui resteront au Caire ont annoncé leur intention de poursuivre les actions en cours.
Les autorités égyptiennes ont proposé d'autoriser 100 des 1.400 manifestants bloqués au Caire à marcher vers Gaza. Les organisateurs de la manifestation internationale ont accepté cette offre, a-t-on appris mercredi 30 décembre.
Cette décision a divisé les délégués de 43 pays venus au Caire en vue de rejoindre l'enclave palestinienne à partir de Rafah, ville à cheval sur l'Egypte et la bande de Gaza, pour marquer le premier anniversaire de l'offensive israélienne contre le territoire palestinien.
"C'est une victoire partielle", a justifié Medea Benjamin, un militant américain et l'un des organisateurs de la manifestation, face à la colère affichée par certains militants.
Il a précisé que le ministère égyptien des Affaires étrangères avait proposé que les organisateurs choisissent les 100 délégués qui seraient autorisés à passer à Gaza. Ces derniers devaient quitter la capitale égyptienne pour l'enclave palestinienne mercredi matin.
Poursuite des actions en cours
L'offre égyptienne a irrité un grand nombre de militants. Un organisateur français a estimé qu'elle visait à semer la division en leur sein.
"Cela va juste permettre au gouvernement égyptien d'obtenir quelques photos et la possibilité de dire "nous avons laissé les gens passer"", a estimé Bassem Omar, un manifestant canadien. Les militants qui resteront au Caire ont annoncé leur intention de poursuivre les actions de protestations en cours.
Les militants pro-palestiniens ont organisé plusieurs manifestations et sit-in pour protester contre l'interdiction égyptienne. Des dizaines de militants français campent ainsi devant l'ambassade de France. Un organisateur français a indiqué que le sit-in allait continuer.
L'Egypte a indiqué avoir empêché les manifestants de se rendre à Gaza en raison de la "situation sensible" dans l'enclave palestinienne.
Du 27 décembre 2008 au 22 janvier 2009, Israël avait lancé une offensive dévastatrice contre le mouvement islamiste Hamas dans la bande de Gaza, faisant plus de 1.400 tués palestiniens, selon des sources palestiniennes.
(Nouvelobs.com) -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- A bientôt
Nous sommes donc revenus au Caire et sous bonne escorte. Notre bus nous a déposé hier soir du point d’où nous sommes partis et les flics accompagnateurs nous ont demandé de rentrer à nos hôtels respectifs sitôt descendus. A l’arrivée certains ont tenté de rejoindre l’ambassade de France et les 200 campeurs. Les policiers les en ont dissuadé. La conférence de presse convoquée depuis les bus s’est limitée à quelques interviews devant un bus ; la visibilité médiatique est limitée aux médias arabophones. Nous espérons que les média suivront en France et en Europe. De notre côté nous avons mis à profit ce temps mort pour nous restaurer (excellents poissons) à proximité de l’hôtel et envoyer notre page quotidienne. Le lendemain au petit déjeuner, les tables bruissent des informations de la nuit : les campeurs de l’ambassade ont passé leur deuxième nuit sur le trottoir encadrés par un double cordons de policiers, les 500 américains ont tenté un sit-in devant un bâtiment de l’ONU, Netanyahou arrive au Caire en visite officielle et différentes manifestations de l’opposition égyptienne sont prévues, il est question de s’y joindre mais les organisations égyptiennes hésitent à nous accueillir dans leur rangs …
Nous laissons là les rumeurs et partons à pied rejoindre notre groupe au deuxième hôtel (celui de l’ascenseur farceur). Vers 11h, un SMS nous informe que la réunion est retardée à 14h30. Voilà qui nous laisse 2h pour visiter le musée Égyptien devant lequel nous nous trouvons. Dans la cohue des bus et la foule des touristes, nous surfons entre les voitures pour traverser les rues qui convergent sur la place Tahrir quand un monsieur nous aborde. Il a repéré notre accent français et noie quelques mots dans une logorrhée d’où émerge son séjour à Grasse pour se former dans les parfums, métier de sa famille, le mariage de sa fille le lendemain auquel nous sommes invités, et l’hospitalité égyptienne qui nous fait entrer dans sa boutique de souvenirs puis dans la parfumerie de sa mère. Nous en ressortons qu’après avoir lâché quelques centaines de livres. Faut bien faire marcher le commerce local …
La visite du musée est donc rapide, de sarcophages en statues, nous retenons le regard droit et noble, la dignité et la force simple de Khephren assis en majesté la nuque enveloppée des ailes du faucon Horus.
Dans la chambre d’hôtel devenue salle de réunion, l’ambiance est concentrée, voire grave. Il est devenu clair pour tous que n’entrerons pas dans Gaza. Si ce rêve était caressé par beaucoup, nous savions les difficultés qu’il faudrait affronter, mais peut être pas aussi vite. A présent les possibilités d’actions à partir du Caire sont quasi nulles ou insignifiantes. Les solutions qui s’offrent à nous sont toutes insatisfaisantes : rentrer chez nous sans gloire, rester au Caire sans pouvoir se rassembler, tenter d’atteindre El Arish par d’autres moyens … Dans le groupe, une jeune avocate des droits de l’homme rappelle les objectifs de la marche internationale et le contexte géopolitique : Tout d’abord nous sommes en pays étranger et les attitudes de donneurs de leçon de démocratie occidentale sont souvent perçues comme du néocolonialisme.
Ensuite, il ne s’agit pas de désigner le gouvernement égyptien comme responsable du blocus (ce qu’aurait tendance à faire les encerclés de l’ambassade) mais bien Israël qui est l’origine du problème et qui serait trop content de se débarrasser du problème sur son voisin arabe, tout en continuant à tirer les ficelles. Enfin il faut se garder de l’éclatement du mouvement qui nous guette et que le grand nombre d’organisations et de nationalités favorise. La communication est essentielle dans cette affaire, c'est pourquoi il faut maintenir la pression.
En parallèle, continuez à interpeller vos députés, maires, représentants et personnalités … et consultez les médias qui nous suivent : France 3, Al Jazeera, Al Arabiya, MBC, RFI (interview Florent), Associated Press …