jeudi 31 décembre 2009

Bonne année à tous

Sur la terrasse de l’hôtel ; au bout de l’ascenseur, les discussions se font en petits groupes. Les coordonnateurs se coordonnent, les militants s’informent, les gosiers s’assèchent, les langues claquent, les policiers en civil fument, les marcheurs piétinent.
L’exercice quotidien d’écriture essaye de se loger dans le peu d’espace libre laissé par les interpellations et les questions : « vous étiez au musée ? », « T’as vu la banderole de l’Afrique du sud ? » « Bien le parallèle avec l’apartheid ! », « Il paraît que les bus de Moubarak sont arrivés à Gaza,. », « Les éclaireurs ont été bloqués à port Saïd, t’es au courant ? » …
On apprend aussi qu’une des fondatrices de l’association France Palestine Solidarité (AFPS) est décédée d’une crise cardiaque au Caire, elle participait à la marche internationale et avait près de 80 ans.

Nous travaillons seuls finalement sur le projet de montage pour les TV, les motivations ne sont pas bien fortes et les discussions prennent trop de temps. L’idée d’un kaléidoscope émise hier sera concrétisée par une centaine de portraits montrant la diversité et la détermination des marcheurs, des visages bâillonnés à l’image de la ville oubliée, un ruban de scotch nommé Gaza dont on ne peut se débarrasser.
Dès la première photo faite sur la terrasse de l’hôtel, le patron intervient et arrête la séance. Nous n’avons eu que le temps de tester le dispositif : un ruban en français, l’autre en arabe que la personne choisit et mets près de son visage ; clic, c’est dans la boite. Nous reprendrons la séance photos ce soir au restaurant.

Dans l’intervalle, on s’occupe à la saisie des textes et à la messagerie Internet et à l’envoi de fichiers. A quelques milliers de kilomètres, François fait un super boulot de mise en ligne. Merci à lui.
Au point Internet de l’hôtel, une américaine de San Francisco, nous relate dans un bon français avec un fort accent, sa journée de manifestation ; Quand nous lui montrons les images des manifs montées, la voilà aux anges : « oouaah ! greeeeat ! greeeaaat ! genioouusss ! I have plusieurs milliers amis Facebook, je envoyer pour eux ! ». échanges d’adresse de blogs et voilà que l’audience s’élargit.

Vers 21h, nous nous allons au restaurant d’un grand hôtel où une grande salle nous est réservée, 12ème étage, vue sur la ville, bien à l’écart pour ne pas être vus et entendus ! Un policier en civil est posté à l’entrée …
Comme toujours à 60 personnes, et plus encore quand on ne parle pas la langue, la prise de commandes est laborieuse et le service décousu. C’est le moment idéal pour tirer le portrait des présents avec un bout de scotch.
Au milieu du repas, une liaison téléphonique amplifiée est établie avec le directeur exécutif (le n°2 …) du Palestinian Center for Human Rights (PCHR). Yazid fait la traduction en direct. Le policier de l’entrée est très fâché et tente de faire cesser la conversation. Les organisateurs le renvoient poliment à sa mission «d’assurer notre sécurité » que ses supérieurs lui ont confiée, le téléphone ne risque pas d’exploser …
Le direct de Gaza se poursuit, alors qu’on nous amène précipitamment les additions contrairement à l’hospitalité égyptienne habituelle. Nous laissons cela de côté pour écouter ce que dit notre interlocuteur à Gaza :
Tout était prêt pour nous accueillir et il regrette beaucoup les difficultés que nous rencontrons, qui sont le fait de gouvernements complices de la punition collective infligée aux Gazaouis ;
Gaza est sous blocus économique depuis 3 ans et la population, vieillards et enfants en particulier, survit péniblement grâce à l’aide humanitaire pour autant qu’Israël la laisse passer ;
L’offensive israélienne de l’année dernière a fait d’énormes dégâts qui ne peuvent être réparés malgré les aides de la communauté internationale, bloquées aux portes de la bande de Gaza par Israël.
Malgré tout cela, les Palestiniens ne perdent pas espoir de retourner chez eux un jour et espèrent que des gens comme nous feront pression sur leur propres gouvernements et sur les institutions internationales, notamment l’union européenne pour que soient reconnus les droits du peuple palestinien et que soit condamner l’État d’Israël ;
Le rapport Goldstone des Nations Unies a montré clairement la responsabilité d’Israël, dans la violation du droit international et dans les massacres des population civiles l’an dernier. Ce rapport propose qu’Israël soit traduit devant la cour pénale internationale pour crime de guerre et même crime contre l’humanité.
Le PCHR met beaucoup d’espoir dans la Communauté internationale et notamment l’union européenne, pour que cette condamnation aboutisse ; il compte aussi beaucoup sure le soutien populaire en Europe et dans le monde pour que ce jugement puisse avoir lieu.
La liaison se termine dans les applaudissements et les salutations à pleine voix, y compris des serveurs qui sont restés là à écouter ce direct inouï pour eux.

Quelques interventions ont lieu après cette liaison chaleureuse : il faut remettre des sous dans la caisse commune ; les réservations d’hôtel à El Arish avancées par nos correspondants sur place doivent être payées ; une esquisse de bilan de cette presque semaine de mobilisation est faite : nous avons été un peu naïfs quant à la volonté de négociation du pouvoir égyptien ; il aurait fallu anticiper et prévoir une alternative à l’impossibilité de sortir du Caire, c’est une leçon pour la prochaine fois car nous reviendrons ! …

Les douze coups de minuits ponctuent ces prises de paroles incantatoires aux lendemains qui chantent, et tout le monde s’embrasse en souhaitant d’abord aux Gazaouis une bonne et heureuse année.
Sur la terrasse de l’hôtel qui surplombe la ville bruyante, Yazid discute avec un responsable palestinien, et la jeune avocate des droits de l’homme adresse ces vœux au professeur Goldstone, auteur du fameux rapport, soumis de puis des mois à une effroyable pression du lobby sioniste.

BONNE ANNÉE A TOUS

Ali-Patrick et Patrice