mardi 29 décembre 2009

Ascenseur émotionnel

Voici tout d'abord une vidéo de cet après-midi lundi 28 décembre:

Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéo


et notre journal de ces 2 jours :

Dimanche 27 décembre 2009
Nous voila donc au Caire.
Après installation provisoire à l'hôtel, premier rendez vous avec notre groupe : une dizaine de personnes, des jeunes surtout, des belges aussi. Nous nous réunissons dans une chambre pour plus de discrétion car les murs sont pleins d'oreilles : en uniforme à l'entrée de l'hôtel, en civil dans le salon ou autour des ordinateurs en libre accès.
L'ascenseur unique n'arrive pas à répondre aux va et vient permanents des clients et des militants dans les étages. On passe plus de temps à attendre la cabine sur un palier minuscule ou une fois dedans à monter et descendre avant d'atteindre le bon étage. Un jeu qui met sous pression ceux qui sont là depuis quelques jours et ajoute au stress des informations qui tombent d'heure en heure.
Ce matin, les autorités égyptiennes ont clairement indiqué que la frontière avec Gaza était hermétiquement fermée et que personne ne passait.
Dans l'après midi une conférence de presse des organisateurs laisse entendre que des possibilités existent et que les bus sont prêts. Une des organisations maintient le départ de ses bus à 19h devant l'ambassade de France et se dit prête à manifester si besoin ...
Cette prise de position tend un peu plus les discussions avec les services de police égyptiens qui décident de bloquer les dépôts de bus.
20h30 : 200 personnes campent devant l'ambassade. Confirmation du blocage des bus. Des canons à eau seraient sur place ...
21h : après de longues minutes d'attente, l'ascenseur nous descend au rez de chaussée alors que nous voulions atteindre la terrasse restaurant de l'hôtel. Au 12ème étage, un peu d'air et d'espoir. Nos bus ne font pas partie de ceux bloqués au dépôt.
Rendez vous le lendemain pour plus d'infos.
23h : il est temps d'aller dormir, après une nuit d'avion, quelques heures à peine de sommeil, le tourbillon de la ville et les joies de l'ascenseur.


Lundi 28 décembre 2009
Enfin une nuit complète !
Dès le matin nous faisons un aller retour entre les 2 hôtels où est réparti notre groupe.
Les campeurs sont toujours devant l'ambassade et leurs bus au dépôt avec interdiction de sortir.
Nos bus ne sont pas dans cette situation et doivent partir vers 14h pour El Arish. La consigne est d'être discret pour rejoindre le point de départ.
Comment être discret à 50 personnes avec sacs à dos et appareils photos ? Outre les policiers en civil qui veillent sur le troupeau, les cairotes sont tous sur le pas de leurs boutiques pour assister au départ !
A 15h le bus démarre ! On n y croyait plus. La joie a remplacé la crispation sur les visages. Même si nous n'allons pas loin nous avons l'impression d'avoir franchi un premier obstacle.
5 bus sont sur la route avec 200 personnes à bord : des français, des belges, des grecs, des indiens (d'Inde), des américains et un suisse, tous calmes et déterminés à dénoncer le blocus de Gaza, l'impunité d'Israël et la complicité de la Communauté Internationale.
Florent au micro nous rend compte régulièrement des contacts entre les bus.
Trés vite, il faut déchanter, les deux premiers bus sont arrêtés par la police de la route, nous dit il.
Le convoi que nous formons avec 2 autres bus est lui aussi stoppé à une vingtaine de kilomètres du Caire. Un monsieur en costume et cravate, un téléphone sur chaque oreille, semble très occupé à ne pas nous laisser aller plus loin. Il arpente avec nonchalance le bord de l'autoroute qui est un vaste dépotoir où volent sacs plastiques et s'entassent les gravats que le sable recouvre peu à peu.
Nous restons là dans le vacarme des klaxons, des annonces micros sur l'issue des négociations. Au bout d'une heure, on annonce un colonel. Il arrive dans son uniforme à boutons dorés, et ajoute à ses décorations, lui aussi un téléphone en pendentif à chacune de ses oreilles. Le chauffeur du bus nous explique que c'est monté très haut, on parle du chef des services de renseignement ... du ministre peut être.
Entre temps des nouvelles arrivent de l'ambassade de France : les personnes qui ont passé la nuit sur le trottoir sont dans une situation bien pire que la nôtre. Trois solutions leur sont proposées : passer une nouvelle nuit sur le trottoir et être reconduite le lendemain à l'aéroport, être reconduites immédiatement à l'aéroport, ou encore être confinées jusqu'à leur avion de retour, au lycée français du Caire mis à disposition par l'ambassade.
Dans notre bus sur le bord de l'autoroute, nous avons au moins l'impression d'avoir bougé, mais si peu ... Nous essayons de gagner du temps pour permettre aux médias d'être sur place et de rendre compte de la situation. Au bout de deux heures, les services se font plus autoritaires et intiment l'ordre aux chauffeurs de bus de nous reconduire au Caire à nos hôtels. Toujours calmes et après quelques échanges entre les 5 bus (vive le portable ..) nous nous plions à cette exigence, et décidons de convoquer la presse pour notre retour.
Demi tour donc avec amertume bien sur mais une visibilité attendue à l'arrivée. Nous sommes escortés par un véhicule de police, qui surveille de près notre itinéraire.

Qui a dit que le frontière sud de Gaza était perméable ?
Qui a dit que la population gazaouie pouvait être alimentée par les organisations humanitaires ?
Que les démarches pacifistes pouvaient entrer dans Gaza ?
Que le blocus n'empêchait pas de vivre ...

Eh bien non, le blocus existe, nous l'avons testé pour vous ...

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Le témoignage de Ziad Medoukh, habitant de Gaza
(diffusé le 20 décembre 2009 par l'auteur, sur le site de la CCIPPP, http://www.protection-palestine.org)

Un an déjà. Gaza se souvient, Gaza étouffe, Gaza patiente.
Fin décembre 2008, fin décembre 2009,un an déjà …
Je ne vais pas revenir dans cet article sur les 3 semaines terribles vécues par la population civile de la bande de Gaza lors de l’agression israélienne contre une région innocente, contre une prison à ciel ouvert, contre un territoire isolé, emmuré, une population enfermée, sans possibilité de fuir...
Chacun est libre de qualifier et de décrire avec ses mots ces horribles événements de Gaza : guerre, agression, pilonnages, massacres, crimes de guerre, attaques sanglantes, voire des attaques barbares... Les seuls mots pour moi sont, massacres et crimes commis par la cinquième puissance militaire dans le monde contre un million et demi de civils, contre des femmes et des enfants et des vieillards sans défense, contre la totalité des infrastructures de la bande de Gaza, et ce, dans le plus profond mépris des condamnations internationales.
C’est très difficile pour moi, Gazaoui, de décrire la situation actuelle dans la bande de Gaza un an après la fin de l’agression israélienne, car je pourrais écrire des pages et des pages, voire des livres, pour évoquer seulement une partie de la souffrance, de la douleur et des sacrifices de ses habitants toujours isolés, enfermés par le blocus, et abandonnés à leur sort au vu et au su du monde dit libre.
Les mots et les expressions m’échappent pour parler de toute une population : femmes, jeunes, enfants, personnes âgées, patients, chômeurs, malades, blessés, invalides, tous ceux qui ont perdu pendant ce déferlement de massacres et de destructions, leurs maisons, leurs biens et surtout leurs proches, et qui, néanmoins, continuent de résister sur leur terre dans des conditions inhumaines, difficilement imaginables pour quelqu’un de l’extérieur.
Je ne sais pas de quel Gaza je vais parler : Gaza le blocus ? Gaza l’isolement ? Gaza la résistance ? Gaza la vie ? Gaza la souffrance ? Gaza la détermination ? Gaza la prison ? Gaza la mort lente ? Gaza la tristesse ? Gaza l’obscurité ? Gaza l’opprimée ? Gaza l’étouffement ? Gaza l’impuissance ? Gaza le malheur ? ou Gaza l’espoir ?
Un an déjà... Gaza fin décembre 2009 : un an après ces événements les Gazaouis se rappellent - comment pourraient-ils oublier ? Ils se souviennent de ces 20 jours de carnages jamais égalés depuis l’occupation israélienne en 48. Ils se souviennent d’abord de plus de leurs martyrs, plus de 1 400 tombés sous les bombes de l’aviation israélienne ou les balles des soldats : ils se souviennent des maisons, plus de 6 000, des hôpitaux, des écoles, des refuges pour la population, détruits par les bombardements in-discriminés des Israéliens ; ils se souviennent de la passivité complice de la communauté internationale pendant ces massacres. Dans le monde des humains au XXIème siècle, comment cela est-il possible ?
Un an déjà, et rien n’a changé à Gaza... Le blocus inhumain imposé depuis plus de 3 ans resserre toujours son étau, de façon encore plus inhumaine dans la situation actuelle des Gazaouis ; les passages qui relient la bande de Gaza au monde extérieur sont ouverts au compte-gouttes sur ordre militaire israélien ; 80% de la population civile dans la bande de Gaza vivent avec des aides alimentaires internationales, quand elles peuvent passer ; les blessés et les malades meurent ou attendent la mort parce qu’il est interdit de sortir pour aller se faire soigner à l’extérieur et que leurs hôpitaux manquent d’équipements adéquats.
Fin décembre 2009, un an déjà et Gaza survit toujours dans la douleur, Gaza patiente... Gaza attend toujours le réveil de la conscience mondiale, Gaza continue d’attendre l’application de la loi internationale, Gaza continue de souffrir avec seulement sa détermination de continuer à vivre... de ne pas mourir...
Un an et plus de 10 000 habitants de Gaza vivent toujours dans des tentes à côté des ruines de leurs maisons car tous les matériaux de construction sont interdits d’accès dans la bande de Gaza sur ordre militaire israélien.
Gaza, fin décembre 2009, espère malgré tout. Ses raisons d’espérer, comme l’ont été les puissantes manifestations de soutien partout dans le monde, restent la mobilisation des sociétés civiles et des représentants politiques partout dans le monde pour que les gouvernements et les instances décisionnelles de la communauté internationale imposent la levée du blocus et la réouverture des passages, pour qu’enfin les habitants de la bande de Gaza puissent commencer à restaurer leur environnement... à panser leurs plaies ; pour qu’enfin ils puissent espérer commencer à pouvoir vivre une vie normale dans leur région, dans leurs villes, dans leurs villages...
Gaza, fin décembre 2009, à la veille de la marche commémorative internationale : Gaza n’en peut plus, Gaza survit au jour le jour, Gaza étouffe, Gaza crie dans le silence des médias internationaux, Gaza attend... Gaza espère... espère et demande... Les Palestiniens de Gaza espèrent et demandent la restauration de leurs droits fondamentaux, de leur droit à la vie dans le monde, à la paix par l’application de la justice.
Le chemin de la paix passe par la justice, rien que la justice.
Gaza et les Palestiniens aspirent à la paix dans la liberté et la justice.
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Ali-Patrick et Patrice